ESCALE
Le bon mot de M. le Président
S´il fallait prendre au mot la déclaration qu´a faite M. le Président en marge du G8 à Sea Island, en Georgie, sur la démocratisation de l´Algérie, la promotion des droits de l´homme, le respect des libertés publiques et l´émancipation de la femme, le journaliste Hafnaoui Ghoul ne devrait pas être en prison. En Egypte, par exemple, le délit de presse a été dépénalisé : on ne jette plus les journalistes en cellule. C´est dépassé. Ça ne se fait plus. Hosni Moubarak, qui a décliné l´invitation de George Bush de se joindre à la messe des sept pays les plus industrialisés, a libéré les journalistes de cette épée de Damoclès qui pesait sur eux - à défaut de libérer la parole, car le système égyptien a aussi ses limites et ses carcans. Du moins, quand M.Moubarak fait quelque chose de positif pour son peuple, il ne va pas le crier sur tous les toits, contrairement à notre raïs. Ce lifting diplomatique qui se fait sous l´argument d´améliorer l´image de marque de l´Algérie à l´étranger peut être perçu comme un simple ravalement de façade lorsque l´un des droits de l´homme les plus fondamentaux est si volontairement foulé aux pieds. Il y a quelque ironie, si cruelle du reste, à décerner le titre de docteur honoris causa à l´un des vétérans de la presse, Jean Daniel, qui est né sur le sol algérien et qui le mérite bien pour ses positions anticoloniales sans ambiguïté, tout en maintenant une chape de plomb sur le travail des journalistes algériens, livrés presque, et c´est le cas de le dire, pieds et poings liés, à la loi féroce des potentats locaux. Existe-t-il deux Algérie, deux collèges, deux poids et deux mesures au fur et à mesure que l´on s´éloigne de la capitale? La première mandature de M.le Président a pourtant été un exemple de respect de la liberté d´expression, jusqu´à ce fameux été 2003 qui a vu le pays basculer dans la suspension des journaux et le harcèlement policier et judiciaire des journalistes. C´est à n´y rien comprendre. Ce n´est pas pour plaire aux étrangers, surtout aux grandes puissances, que la liberté d´expression doit être prônée, respectée, défendue, ni pour frimer ni pour faire chic, mais bien parce que c´est un droit sacré de l´homme qui permet au pays d´avancer dans tous les autres domaines. Libérer la parole c´est libérer l´esprit d´initiative, sachant que la liberté des uns s´arrête là où commence celle des autres.
C´est vrai que l´environnement immédiat de l´Algérie ne brille pas par un respect immodéré de la liberté d´expression. Le bâillon, les ciseaux, les menottes et la muselière brandis par Anastasie viennent à bout des meilleures volontés. Notre voisin libyen, Maâmar El Kadhafi est passé maître dans l´art de la propagande, mais les volutes de fumée de sa cigarette américaine, qui a été le clou du sommet arabe à Tunis, ne le sauve pas des griffes de la suspicion internationale. Multipliant les faux-pas, le leader libyen ne sort de Charybde que pour tomber en Scylla : l´affaire Lockerbie est à peine close qu´il ouvre un autre front, celui de la tentative d´assassinat sur l´héritier du trône saoudien, le prince Abdellah. Les hostilités entre les deux capitales avaient été ouvertes à Sharm El Cheikh. Le feuilleton n´en est qu´à son deuxième épisode.