Le droit à l’information et l’embargo
La presse écrite nationale a été malmenée dans son édition d´hier au sujet de la démission du gouvernement dirigé par Belkhadem. Une démission qui est «tombée» la veille à 19h54 sur le fil de l´APS pour être reprise aussitôt par l´Entv dans son journal télévisé de 20h. La plupart des journaux, pour ne pas dire tous, à une ou deux exceptions près, avaient déjà bouclé leur édition quand elle n´était pas carrément «enfournée» dans les rotatives de l´imprimerie. Il faut dire que pour un vendredi en fin de journée, personne ne pouvait s´attendre à une décision aussi importante que l´annonce de la démission du gouvernement.
A part les catastrophes naturelles, il est clair qu´il n´était pas attendu des institutions qu´elles fonctionnent le week-end sauf raison gravissime. C´est pourquoi, il est à se demander si la démission de l´Exécutif est gravissime ou pas. En temps normal, pas du tout. Dans le cas précis du gouvernement dont a hérité Belkhadem après le départ d´Ouyahia cela peut revêtir une certaine gravité. On a la nette impression que le président de la République avait hâte de se débarrasser d´une bonne charrette de ministres. 19 exactement, en les débarquant à l´APN où ils venaient fraîchement d´être élus.Une aubaine, si l´on considère que leur reconduction après le départ d´Ouyahia tenait plus à l´impératif de la fameuse loi (non écrite) des équilibres qu´à la sacro-sainte stabilité des institutions. Les deux peut-être.
Quoi qu´il en soit et au final, c´est le droit à l´information qui «en a pris pour son grade». Les impératifs de l´impression et de la diffusion étant ce qu´ils sont, les quotidiens de la presse écrite étaient partis pour ne pas être en mesure de relayer la démission du gouvernement dans l´édition à paraître le samedi matin. A 19h54mn, tous les journaux avaient déjà bouclé sauf ceux qui disposent de leurs propres moyens d´impression et de diffusion et quelques rares autres téméraires qui prennent le risque de se faire imprimer les derniers en rendant aléatoire leur diffusion.
Ce dilemme, qui s´est posé à toutes les rédactions, a laissé des traces sur le contenu de plusieurs journaux. Il s´est trouvé des journaux qui n´ont pas rapporté du tout la démission du gouvernement, il s´en est trouvé d´autres, qui dans la précipitation et voulant absolument «se mettre à la page» ont donné, sans le vouloir et dans la même édition, une chose et son contraire.
Cette précipitation de la Présidence à balancer l´information est à inscrire dans les grandes manoeuvres qui ont cours, actuellement, dans les allées du pouvoir. Lesquelles manoeuvres avaient commencé par «l´inéligibilité» de l´ancien président de l´APN, M.Amar Saâdani, du chef du gouvernement, M.Belkhadem également, et enfin par ricochet jusqu´à Ouyahia, libre pourtant de toute attache institutionnelle. Ensuite, il y eut le report de l´installation de la nouvelle APN avec l´élection de son nouveau président.
Des manoeuvres qui, de toute évidence, tendent au remaniement total et en profondeur du gouvernement tout en préservant intacte la stabilité des structures de l´Etat. 19 ministres passés à la trappe avec le sentiment que cela est dû à une stricte application de la légalité, cela mérite-t-il que le droit à l´information des citoyens soit écorché? Et si la Présidence a, comme on le sait, opté pour les trois-huit dans son fonctionnement, il faudrait simplement qu´elle prenne les dispositions nécessaires pour que les imprimeries de l´Etat puissent suivre le mouvement ainsi imprimé.
En attendant et alors que les éditeurs cherchent toujours la bonne heure pour le bouclage, l´Entv concurrence sérieusement l´APS. D´ores et déjà, les paris sont ouverts pour savoir qui de l´Entv ou de l´APS donnera, le premier, la composition du nouveau gouvernement. Réponse dans les prochains jours...ou dans les prochaines heures.