APRÈS LE BLOCAGE DES PENSIONS DE CERTAINS MOUDJAHIDINE
Le ministère «refuse» de s’expliquer
Aucun communiqué officiel ni déclaration publique ne sont venus éclairer l’opinion nationale
Une autre affaire, non moins noire que l´affaire des faux moudjahidine, vient d´éclabousser le département de Cherif Abbas. Il s´agit du blocage de pensions de certains moudjahidine, assorti d´un remboursement total de tout ce qu´ils ont perçu «indûment» depuis 1995.
Aucun communiqué officiel, ni déclaration publique ne sont venus éclairer l´opinion nationale sur ce nouvel épisode autant abracadabrant que les précédents. Nos tentatives de nous informer auprès de la tutelle ont toutes essuyé un échec: «Il n´y a aucun responsable pour vous en parler. Me concernant, je ne suis pas habilité à me prononcer sur quoique ce soit.» Le refrain nous a été tellement ressassé qu´on a fini par comprendre qu´il était inutile d´insister à faire réagir un ministère où il n´ y avait pas de répondant. Et faute d´interlocuteur officiel, nous nous sommes rabattus sur les témoignages de certaines sources au fait du dossier. Selon elles, la mesure sus-citée pourrait être liée aux premières conclusions de la commission installée en 2001 pour enquêter sur les anomalies ayant trait aux moudjahidine «taïwan».
En fait, M.Cherif Abbas a beau s´égosiller en mars 2001 devant un parterre de journalistes: «On va vous surprendre d´ici à la fin de l´année à la publication des conclusions de la commission». Deux ans plus tard, la «surprise» n´est toujours pas au rendez-vous. L´assainissement des fichiers s´est avéré un voeu pieux puisque les rangs des moudjahidine ont continué à grossir pour atteindre, approximativement, plus de 220.000. Ainsi donc, au moment où tout le monde attend impatiemment les résultats de la commission, on vient de geler des pensions sans préavis; laissant en parallèle les vrais problèmes en suspens. Car, en vérité, les couacs n´ont pas commencé en 1995. Il y a une année de cela, Yacef Sadi, l´une des figures de proue de la mémorable bataille d´Alger, s´était étonné qu´il y ait «plus de 220.000 moudjahidine alors qu´au lendemain de l´indépendance on était à peine 30.000». La courbe ascendante n´a point connu de répit: dans les années 70, «la famille révolutionnaire» s´est vue renforcée par pas moins de 50.000 nouveaux venus pour aboutir, enfin, au chiffre actuel que nous avons cité.
La trafic des imprimés à trois volets a concouru considérablement à envenimer la situation. Le laisser-aller des services compétents a fait que pour être moudjahid, il faut simplement être muni de l´imprimé en question, appuyé par deux signatures fiables. Une fois que les formalités théoriques sont accomplies, point de trace d´une investigation d´appoint. Sans parler des «moudjahidine» qui perçoivent une pension 100% alors que sa validité est significativement inférieure.
Subséquemment, il apparaît que la pension octroyée hasardeusement en 1995 n´est pas la seule inertie qui freine la normalisation d´un secteur aux interminables esclandres. D´aucuns se demandent, à juste titre d´ailleurs, si l´on est en mesure de faire le ménage nécessaire.
Il est à noter, aussi, l´inexplicable éclipse de l´Organisation nationale des moudjahidine (ONM) censée être associée à toutes les décisions.