L'Expression

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Les enfants de la victoire

Ils étaient jeunes. Ils étaient beaux. Ils étaient mûrs... Ils ont osé.

Enfants, déjà, ils ont assisté aux festivités du centenaire de la colonisation de leur pays. Ils sont restés médusés devant tant d'arrogance. L'offense restera à jamais gravée dans leur subconscient; une plaie inguérissable.
A l'école, ils ont subi la ségrégation. Les enfants de colons occupaient les premières tables, étaient vêtus proprement, portaient des chaussures, mangeaient des bonbons. Pendant que les enfants de la «plèbe» étaient tenus à distance pour ne pas transmettre leurs poux aux leurs. Quand des élèves indigènes commettaient des fautes, on leur collait de grandes oreilles et une queue et on les faisait circuler dans les autres classes. Beaucoup, parmi eux, n'ont pas pu tenir devant tant d'offenses, d'humiliations, en allant travailler dans les champs, tenus par les gros colons. Ceux qui sont restés ont appris, à leur corps défendant, la falsification de l'Histoire. Mais, en parallèle, ils apprenaient les chants révolutionnaires, suivaient l'actualité très dense, grâce aux réseaux des mouvements nationalistes, comme les scouts et les médersas. Ils ont vécu, donc, les déceptions du PPA (interdit), les échecs de l'assimilation, le deuxième collège, puis les pogroms de mai 1945. Ce fut l'âge de maturité. Cette grappe de jeunes a pris conscience des enjeux. Désormais, plus rien ne sera comme avant. Ils ont dépassé les consignes partisanes en créant l'OS, puis le Crua, et enfin le passage à l'action.
La répression sera féroce. Des villages entiers ont été rasés. Des populations ont été déplacées. Les forces coloniales ont créé des contingents de supplétifs, quadrillé villes et villages, pour briser la rébellion. Mais la détermination est restée intacte. Quand on relit la bataille d'El Djorf, par exemple, on reste sidéré par tant de sérénité face à l'adversaire surarmé. On se dit que leur force résidait, effectivement, dans cette détermination inébranlable. Avec les moyens de bord, sans armes, sans troupes, ils se sont installés dans une longue guerre d'usure où le dernier mot devait revenir au plus patient. Entre-temps, la France a continué l'opération de «pacification», par l'extermination massive des pans entiers de la population. Mais la guerre s'est poursuivie, en s'accentuant. Les SAS puis l'OAS, puis les ultras de l'Algérie française qui ne voulaient rien comprendre; il n'était pas question de négocier quoi que ce soit. De l'autre côté, la prise de conscience a touché l'ensemble de la population. Il n'était pas question non plus de céder un pouce. Puis, les choses se sont précipitées pendant le printemps 1962. Les premiers drapeaux sont apparus partout, dans les viles et dans les champs. Une peur atroce s'ensuivit. L'OAS est passée au dernier acte, par l'application de la politique de «la terre brûlée». Mais rien à faire, l'Algérie avançait à grands pas vers l'indépendance. Tous les dépassements étaient permis. Et vint la libération. On courait dans les rues comme des fous, on brandissait les drapeaux, on dansait au rythme des chants révolutionnaires... Les gens montaient dans des camions qui les déversaient dans les villes, dormaient à la belle étoile, dans une fête grandeur nature. Ils fêtaient la reconquête de leur pays, le leur. La plupart de cette grappe de jeunes, qui ont osé, sont morts au champ d'honneur. Ceux qui ont survécu, sont revenus du maquis auréolés d'un halo sacré. Puis la vie a repris son cours. Comme on aimerait, 61 années plus tard, écouter ces chants qui nous donnaient la chair de poule, en ayant une pensée à tous ces anonymes qui sont morts, si jeunes, si beaux, pour que l'Algérie renaisse.

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