LES CHIFFRES DE LA PRIVATISATION
Les révélations du Parti des travailleurs
«Il y a beaucoup d’argent en circulation et des centres d’intérêt veulent que l’opération de privatisation aille jusqu’au bout.»
Longtemps taxé par certains observateurs et ses adversaires politiques, d´alarmiste, son discours a fini par épouser la réalité du quotidien de l´Algérien pris en tenaille par des maux sociaux et des phénomènes jusque-là étrangers à la société algérienne. La cassure sociale, provoquée par la brusque mutation économique et la privatisation tous azimuts, ont cassé la société. Le constat est partout le même. L´Algérie s´est dangereusement approchée des récifs. Comme si les exemples des pays de l´Amérique latine et ceux du bloc Est de l´Europe ne suffisent pas, comme le souligne Louisa Hanoune, lors de l´entretien accordé à L´Expression, à alerter les gouvernants sur les menaces de démembrement qui pèsent sur la société.
Pourtant, la secrétaire générale du Parti des travailleurs soutient, «il y a beaucoup d´argent en circulation et des centres d´intérêt veulent que l´opération de privatisation aille jusqu´au bout». Elle cite des exemples concrets de bradage. «Profilax de Sétif, dit-elle, estimé à 220 milliards de centimes et cédé à 65 milliards. L´offre d´un homme d´affaires saoudien pour le complexe de l´Eniem de Tizi Ouzou est de 10 millions de dollars avec des conditions incroyables, à savoir un versement sur trois tranches échelonnées sur plusieurs années, le payement des dettes de l´entreprise par l´Etat et le licenciement de 50% du personnel. En revanche, cet investisseur demande à empocher les 125 millions de dollars que représentent les créances auprès de ses partenaires commerciaux. C´est une insulte au peuple algérien». Au sujet des licenciements, Louisa Hanoune révèle qu «´il y a des décisions arrêtées au niveau des SGP pour des licenciements massifs. Des informations en notre possession évaluent à hauteur de 50% la main-d´oeuvre concernée par cette décision. C´est la solution trouvée par nos ministres chargés du dossier de la privatisation pour inciter les repreneurs étrangers à venir. Pour ce qui des investisseurs nationaux, mis à part quelques-uns qui ont fait leurs preuves, la majorité sont des rapaces qui veulent acheter au dinar symbolique, c´est déjà arrivé, en plus d´un prêt bancaire sur une période de 25 ans sans intérêt. Ce ne sont pas des opérateurs, mais des esclavagistes».
La machine impitoyable de la privatisation est ralentie en cette année 2006. La stratégie économique adoptée, jusque-là, est remise en cause. En 2004, Ahmed Ouyahia, alors chef de l´Exécutif, avait annoncé la couleur en affirmant, «hormis trois entreprises, tout sera privatisé». En 2006, le gouvernement fait une autre annonce et parle de 100 entreprises à préserver seulement. Faute de preneurs à des prix même sacrifiés. Ce qui montre bien que les décisions prises n´obéissent pas à une stratégie économique réfléchie. Avec ses potentialités, l´Algérie est aujourd´hui en mesure, de par sa bonne santé financière, de contrer le diktat imposé de l´étranger pour peu qu´il y ait cette volonté de défendre les intérêts supérieurs de la nation. Ce qui nécessite, d´après Louisa Hanoune, d´évacuer le personnel en charge de la conduite de la politique économique suivie. Les signes de la déperdition de la société algérienne que sont la corruption, la violence, la misère, la prostitution, la drogue, le chômage et le crime organisé ne sont pas le fruit du hasard. Ce sont les conséquences directes de la politique socioéconomique menée jusque-là. Une politique de privatisation marquée par des non-dits et des zones d´ombre que le commun des Algériens n´arrive pas à saisir. Des observateurs de la scène économique et politique n´hésitent plus à parler d´arnaque et de bradage. Lors de l´entretien qu´elle nous a accordé, Louisa Hanoune a tiré la sonnette d´alarme et donné des chiffres effarants qui trahissent une volonté de porter atteinte aux intérêts du peuple algérien. En plus de l´exemple de l´entreprise Socothyd de Boumerdès que nous avons déjà cité dans notre précédente édition, son parti affirme détenir des chiffres qui concernent la mise en vente d´autres entreprises qui font nourrir des milliers de familles algériennes. Quant aux chiffres sur l´emploi, la porte-parole du Parti des travailleurs conforte les déclarations du président de la République qui parle de la réalité travestie.
«C´est scandaleux, martèle-t-elle, d´entendre le ministre de l´Emploi dire qu´il y a eu création d´un million d´emplois en 2006. C´est scandaleux! C´est une provocation! L´Algérie a créé, en 23 ans d´histoire, trois millions de postes de travail en lançant des projets industriels et agricoles monstres et là, je ne comprends pas comment a-t-on pu créer autant de postes en une année, à moins qu´on comptabilise les jeunes qui vendent à la sauvette dans les marchés ou ceux qui sont en charge de surveiller les voitures dans les rues ou alors les contrats de travail à durée déterminée où règne un trafic monstre avec la certitude qu´il s´agit d´une bombe à retardement pour l´Ugta» conclut-elle.