«L’esprit d’Alger» a fini par l’emporter

Tout est bien qui finit bien. C´est en quelque sorte, la substance qu´il convient de retenir de la courte allocution de clôture du Sommet d´Alger, faite par le président Bouteflika. Ce dernier, sans doute dans le but de marquer plus encore les esprits, a eu recours à des formules que l´histoire retiendra sans doute. Il a déclaré, en effet, que «ce succès (celui du Sommet, Ndlr) a été rendu possible parce que plusieurs d´entre vous (les leaders arabes) ont eu la générosité de qualifier d´esprit d´Alger, et qui s´est traduit par le climat serein et fraternel qui a prévalu tout au long de nos délibérations». Ce sommet, véritable tournant dans le mode de fonctionnement de la Ligue, en attendant que le reste suive, a également fait dire à Bouteflika que ces «travaux ont incontestablement été marqués par une haute conscience des enjeux qui se posent à nous et de la responsabilité qui nous incombe en cette phase cruciale de notre histoire».
Pour le chef de l´Etat et, partant, pour l´Algérie, ce sont avant tout les réformes de la Ligue, adoptées à l´unanimité, qui sont le point nodal de cette rencontre, véritablement historique. C´est ce que relève Bouteflika dans son discours et après lui, Belkhadem, dans la conférence de presse qu´il a conjointement animée avec Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue, à la fin de ses travaux. «C´est grâce à notre adhésion unanime à une démarche résolument tournée vers l´avenir, que nous avons enregistré des avancées notables sur la voie de la réhabilitation et du renforcement de l´action arabe commune.» Ainsi donc, et toutes proportions gardées puisque l´idée des réformes avait été lancée l´année dernière à partir de Tunis, «la déclaration d´Alger de même que les résolutions et décisions (...) adoptées balisent-elles le chemin de la refondation de l´action arabe commune conformément aux voeux (des) peuples?» D´ores et déjà, le mode de fonctionnement de la Ligue à travers une modification notable de sa charte, sera revu foncièrement, et va connaître des progrès carrément révolutionnaires.
Il s´agira, à l´avenir, et à cette condition que des accords rapides soient trouvés concernant les modalités pratiques d´application de mettre un terme au veto de chaque Etat membre, d´aller progressivement sur une durée de cinq ans vers un Parlement arabe et de mettre en place une commission de suivi de l´application des résolutions et décisions prises. Cette dernière instance, double troïka, dont est membre notre pays en sa qualité de président de la Ligue, devrait être dotée d´assez larges prérogatives. Bouteflika, très satisfait de cette décision, relève dans son discours que «le mécanisme de suivi de la mise en oeuvre de décisions que nous avons adoptées reflète pleinement le réalisme et l´efficacité que nous voulons ériger en tradition à tous les niveaux de notre organisation».
Pour ce qui est du restant des points inscrits à l´ordre du jour, la Ligue, conformément à ce fameux «esprit d´Alger» a su étouffer les divergences qui existent entre ses membres afin d´adopter des résolutions communes. Ainsi, sera-t-il question de mettre en place un groupe composé de six Etats, dont l´Algérie, qui aura pour charge d´expliquer aux USA, à l´ONU et au quartette, le plan de paix arabe concernant la cause palestinienne. Si les Arabes ne s´adressent pas directement à Israël, c´est qu´ils ont acquis la ferme conviction qu´il ne veut pas la paix, et qu´il se complaît dans sa politique du fait accompli. Seules de puissantes pressions internationales pourraient arriver à infléchir le cours désastreux des choses. Pour ce qui est de l´Irak, une solidarité sans limite est apportée à son peuple, avec la ferme demande que cessent aussi bien l´occupation étrangère que les attentats contre les populations civiles. Quant à la solidarité avec la Syrie, il convient de dire que la résolution ne précise pas quelles pourraient en être les formes, à ceci près que les Arabes promettent de réagir vivement contre toute agression dont pourrait un jour être victime ce pays «ami et frère». C´est, du moins, ce qu´a relevé Abdelaziz Belkhadem dans sa conférence de presse d´hier. Amr Moussa pour sa part, admet «l´inanité» de la Ligue jusque-là a cause, selon lui, de ses manques de moyens, causés par le fait que beaucoup d´Etats et royaumes membres ne s´acquittent pas de leurs cotisations. Il est certain que si cette raison y est pour quelque chose, le mode de fonctionnement obsolète de la Ligue maintenu en l´état exprès, y est pour beaucoup plus, de l´avis de nombreux experts, diplomatiques et ministres rencontrés au Palais des Nations durant ces deux jours.
S´agissant du terrorisme, enfin, et en réponse à notre question, Abdelaziz Belkhadem dira que «même l´ONU n´est pas arrivée à cette fin». Il n´en ajoute pas moins que «la Ligue est quand même arrivée à la nécessité de condamner toutes les formes de violences illégitimes d´où qu´elles viennent, de ne pas confondre terrorisme et islam et, enfin, de ne pas établir d´amalgames entre ce fléau et les combats justes des peuples pour leurs indépendance, liberté et émancipation».