ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR BOUALEM REMINI DÉRÈGLEMENTS CLIMATIQUES
Leurs effets sur l’homme et la nature
Acidification des océans, envasement des barrages, régime d’écoulement des cours d’eau...en fin de cycle, l’homme. A tout considérer, l’atmosphère n’est pas la seule victime.
L´année 2007 aura connu toutes les couleurs: sécheresse prolongée, tempêtes de sable exceptionnelles (des milliers de têtes de bétail ensevelis), mais aussi des débordements d´oueds à la suite d´intenses précipitations de pluies prolongées dans le temps (débordement de l´oued Chiffa le 11/03/2007). Entre 2003 et 2007, plus de 6000 secousses telluriques sont enregistrées par le Craag.
Cette tendance à l´intensification des phénomènes extrêmes est peut être révélatrice d´un bouleversement climatique dû à l´action de l´activité humaine. Les enjeux sont majeurs et les impacts tout autant. Le professeur Boualem Remini répond à nos questions:
Boualem Remini: Ces faits ont toujours existé, mais la tendance est à l´amplification, favorisés, certes, par des facteurs anthropiques (relevant de l´activité humaine). L´analyse des données sur une longue période, a permis de faire ressortir les tendances climatiques de notre siècle, si ce n´est des trois dernières décennies. Les changements dus aux facteurs naturels, tels que l´activité du soleil, s´opèrent sur de longues périodes, et permettent ainsi un temps de réadaptation à l´environnement s´y référant. Il ne fait donc aucun doute que la multiplication des événements extrêmes est due, pour une grande partie, aux facteurs anthropiques.
En bref et respectivement: emprisonnement de la chaleur par suite d´accumulation du CO2 constituant un effet d´écran, fumée des villes, couche protectrice empêchant la pénétration de radiations nocives (tel que les UV) pour l´homme, conséquence de l´élévation de la température par l´effet de serre.
Le cycle est fermé, ce qui est produit sur terre, une partie s´évapore, une autre s´infiltre, et une dernière partie se dégrade et peut prendre elle-même les autres états fondamentaux: solide, liquide et gazeux; mais aussi toutes les nuances des états intermédiaires.
Donc, les trois structures sont en interaction continue. N´oublions surtout pas qu´à l´intérieur de ce complexe et fragile système, il y a l´élément primordial: l´homme.
Il faut savoir que les Chcli ce n´est pas seulement la pollution atmosphérique et l´effet de serre.
Vous savez, la mémoire populaire retient, bien sûr, proportionnellement à son échelle d´appréciation, les «grands événements».
En ce sens, les grandes crues des oueds, dans une région relativement semi-aride, telle que la nôtre, constituent des événements majeurs. Une vieille personne, sans hésiter, vous dira que l´oued revient (allusion faite au retour inéluctable d´une crue exceptionnelle). Malheureusement, le fait est vérifié scientifiquement. Les hydrologues (spécialistes géophysiciens des phénomènes de ruissellement des eaux) l´appellent «périodes de retour». Chaque oued a sa propre période de retour, et qui va correspondre à une crue exceptionnelle. Le danger est donc potentiel.
Depuis les années 1970, le caractère d´irrégularité des régimes d´écoulement des eaux dans les oueds du Maghreb ne fait que se confirmer (inondation/sécheresse). Il faut voir là un effet d´annonce. A titre d´exemple: les scénarios futurs des Chcli développés pour le Maroc, prévoient une baisse générale des eaux superficielles, estimée dans les 15% à l´horizon 2020. La réduction moyenne du volume des précipitations est prévue à 4%.
N´oublions, surtout, pas aussi que l´aménagement des rivières (construction de barrages), les prélèvements agricoles, l´occupation des sols (urbanisation, déforestation...), constituent autant de facteurs pouvant influencer les régimes d´écoulement et, rendront ainsi plus fougueux encore, ou au contraire parfaitement à sec, nos cours d´eau...
Il est aussi maintenant établi que les Chcli participent à l´acidification des océans. Le gaz carbonique piégé dans l´atmosphère rejoint les mers et les océans par le cycle de l´eau. Lors des précipitations, sa combinaison avec l´hydrogène, l´azote et autres minéraux aboutit à la formation des acides. L´impact sur la faune et la flore n´est plus à démontrer.
La Mitidja appartient au contexte de la Méditerranée.
La plupart des modèles de simulation des scénarios climatiques futurs projettent des tendances à la réduction des précipitations et, donc de l´écoulement superficiel, sans pour autant omettre des cas d´inondation exceptionnels, qui peuvent bien provoquer des catastrophes humaines et matérielles. On ne peut quitter le cas «Algérie» sans tirer aussi la sonnette d´alarme: les années 2000 ont connu une forte accélération de l´envasement des barrages. Les longues périodes de sécheresse, liées aux Chcli ont intensifié ce phénomène.(*)
Nous rentrons de go dans une société de l´information, il faut mettre en place des organismes informationnels des risques majeurs, mettre en oeuvre des systèmes d´alerte et de surveillance par satellite (GPS global position satellite/SIG: système d´information géographique) pour la prévision préventive des catastrophes dues à l´inondation et éviter ainsi qu´il y ait des dégâts humains.
Les études d´impact côté aménageurs permettent de préserver dans une perspective de développement durable, et l´homme et son environnement. S´impose aussi un changement d´attitude: apprendre aux citoyens de valoriser ce qui se trouve sous leurs pieds, je veux dire: économiser l´eau et l´énergie, et participer ainsi activement à atténuer les facteurs anthropiques favorisant les phénomènes des Chcli.
Chacun se doit de respecter son cahier des charges!
(*) Nos derniers travaux dans ce sens vont faire l´objet d´une publication scientifique dans le journal international Water Power and dam construction, en décembre 2007.