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Karim Khima, militant écologiste, à L’Expression

«Nous sommes une force de proposition»

Nous avons rencontré Karim Khima en marge des inondations qui ont frappé la semaine dernière la ville de Béjaïa. Il nous explique les raisons d'une catastrophe naturelle qui aurait pu être plus conséquente en matière de dégâts.

L'Expression: Comment expliquez-vous les inondations qui ont frappé la ville de Béjaïa?
Karim Khima: Il ne faut pas se leurrer, la planète est touchée par le réchauffement climatique avec comme première victimes les îles et les archipels qui se voient de jour en jour noyés. D'ailleurs, les Etats et les organismes internationaux préconisent et conseillent aux populations de se réfugier dans les terres. Ce réchauffement induit des intempéries et des tempêtes très virulentes et des pics de température, avec au bout des feux de forêt. Là on assiste à des pluies torrentielles, qui en quelques minutes, submergent toute une ville.

Ceci pour les causes naturelles, qu'en est-il de l'homme?
Effectivement, il y a aussi d'autres raisons qui relèvent de l'homme et des pouvoirs publics. Notre pays ne s'est pas préparé à cette éventualité. À Béjaïa aucune étude n'a été effectuée pour préserver et respecter les cours d'eau et les zones humides, qui atténuent les effets des tempêtes et des crues. À Béjaïa on a bétonné tous les endroits susceptibles d'absorber les fortes précipitations à l'image des dizaines d'oueds qui traversent Béjaïa, l'oued Soummam et les différents lacs. La couverture des oueds avec des dalles de bétons n'est pas la solution. Ce ne sont que des solutions de complaisance, faites tout juste pour camoufler les eaux usées qu'on ne traite pas alors qu'il y a tout un processus et un mécanisme de surveillance, de nettoyage et d'analyse sur le raccordement que ce soit des rejets des usines ou des réseaux domestiques. Dans la réalité tout est fait dans l'anarchie.

Qu'est-ce qui menace aussi l'environnement à Béjaïa?
La protection de l'environnement est un tout. Quand j'ai parlé de bétonnage anarchique et abusif comme celui des lits des oueds dans le non-respect de la réglementation, qui interdit cette manière de faire parce qu'un oued ou un lac est amorphe et joue le rôle d'une éponge, qui aspire le surplus d'eau en s'élargissant avant de reprendre sa forme naturelle. Il ne faut pas sous-estimer la mémoire de l'eau, qui finit toujours par reprendre ses droits. La question environnementale est le parent pauvre dans la prise en charge des pouvoirs publics, mais les dégâts qui découlent de ces violations coûtent cher à la collectivité et à l'Etat par la reconstruction des maisons et l'indemnisation des victimes. L'assainissement, même lorsqu'il est bien fait, ne représente que 10% de la solution.

Votre combat est aussi contre d'autres fléaux à Béjaïa?
L'absence d'une urbanisation saine et d'une administration efficace ainsi que la non-application de la loi donnent des situations chaotiques. Depuis quelques années nous nous organisons pour lutter contre les squatteurs des terrains publics, y compris au coeur même du Parc national de Gouraya où on assiste à des exactions et des violations en toute impunité. Nous intervenons pour dénoncer, alerter les autorités car ce fléau touche même les vestiges historiques qui font partie du patrimoine naturel. On s'arme d'intelligence et de patience dans une stratégie de combat contre ce fléau qui est en train de détruire le paysage de Béjaïa.

Cela vous a valu des harcèlements à répétition?
Beaucoup n'ont pas compris notre démarche, qui reste méthodique, dans le respect de la réglementation et des moeurs et de la loi en général. On ne nous poursuit pas en tant que cadre, mais en tant qu'individu en vue de nous dissuader. Nous, nous agissons à base de constat, des preuves et dans le respect des textes de loi contre les personnes qui dépassent cette loi. Il m'est arrivé d'être tabassé dans les tentatives d'arrêter ces massacres. Quand les agresseurs de la nature ne trouvent pas de motifs pour nous poursuivre en justice, ils évoquent la diffamation ou autres arguments irrecevables.

Vous pensez que votre combat est payant?
Nous pouvons dire que nous avons réussi à 200%. Les procès intentés contre nous ont produit l'effet inverse dans le sens où la population a été sensibilisée et s'est solidarisée avec nous. Au lieu d'étouffer le mouvement écologiste, il y a eu au contraire, compréhension et sympathie. Du coup, certains élus et administrateurs habitués de la magouille ont doublement peur car ils ont compris que la population est désormais éveillée et qu'elle ne peut plus se taire face à ces violations. Notre réputation dépasse nos frontières. Moi-même j'ai voyageé et j'ai rencontré des écologistes comme Nicolas Hulot et d'autres avec qui j'ai travaillé. Ils sont intéressés de voir un mouvement écologiste émerger en Algérie pour une véritable politique écologique au service de la nature, qui n'est pas en opposition avec l'économie.

Quels sont les points noirs à Béjaïa?
On relève le bétonnage anarchique et intensif, en dehors de la réglementation. Le séisme met à nu, à chaque fois l'incompétence et la corruption dans les constructions, qui ne sont même pas, encore livrées. Puis, il y a la pollution à outrance. Nous avons un tissu industriel qui génère des emplois et des richesses, mais malheureusement tous ses déchets sont rejetés dans les rivières et la mer. L'image de l'oued Soummam est assez illustrative en la matière avec, en plus, d'être le réceptacle des déchets ménagers, et c'est là le troisième point. Nous avons tenté vainement de solutionner le problème des déchets ménagers qui dérangent parce qu'ils sont visibles, mais les autorités ne suivent pas. L'avortement de l'Epic de wilaya, les centres d'enfouissement technique et les décharges contrôlées, dont est dotée notre wilaya, ne sont toujours pas réalisés. Tout ceci trouve sa raison d'être dans le comportement hypocrite de certains élus et administrateurs qui évoquent des blocages à base de motifs farfelus au lieu d'expliquer à la population les avantages de tel ou tel projet d'environnement. Nous avons réussi à éveiller le citoyen, mais nous n'avons pas la prétention d'avoir stoppé le mal, mais l'essentiel, l'éveil citoyen est là et fera émerger d'autres forces pour faire face à tous les fléaux qui malmènent la nature et notre environnement. 

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