Politiquement correct

La réponse faite par M.Chakib Khelil, ministre de l´Energie et des Mines, en répondant, dans l´hémicycle, aux questions des députés, a laissé plus d´un lecteur perplexe. En déclarant que l´abrogation de la loi sur les hydrocarbures était une décision politique, lui, qui a toujours milité pour que les règles de l´économie, de la rentabilité et de la commercialité aient la primauté, il a détruit d´un trait ce qu´il a mis des années à construire au niveau de la crédibilité.
N´a-t-il pas défendu bec et ongles son projet de loi sur les hydrocarbures, tout au long du premier mandat de M.Bouteflika? N´a-t-il pas prôné la bonne parole contre vents et marées. N´a-t-il pas résisté et fait le dos rond devant la tempête Ali Benflis, l´ouragan Ahmed Benbitour, le tsunami Ahmed Ouyahia, la tornade du syndicat des pétroliers, la furie Louisa Hanoune et le tir de barrage de maints anciens Premiers ministres, dont Sid-Ahmed Ghozali qui avait pourtant projeté de vendre 25% de Hassi Messaoud au début de la décennie 90? N´a-t-il pas bravé tous ceux qui ont fait chorus contre lui et qui l´ont accusé de brader les intérêts du pays, en expliquant patiemment que la nouvelle loi allait augmenter la rentabilité des puits de pétrole et renforcer les capacités financières du Trésor, sans nullement remettre en cause l´indépendance du pays?
En reculant aujourd´hui comme il le fait, il montre qu´il a été obligé de mentir à un moment ou un autre. Soit, au début de son ministère, il ne croyait pas dans son projet, mais le défendait pour plaire à une coterie ou à un groupe de pression, national ou étranger. Soit, il est en train de mentir depuis quelques mois pour ne pas fâcher d´autres coteries, parce que le vent a tourné en leur faveur. Chakib Khelil a-t-il tourné casaque?
On dit souvent que seuls les imbéciles ne changent pas d´avis, mais il est aussi bon, pour un ministre de la République, de ne pas prôner une chose et son contraire. Cela fait désordre.
La bonne gouvernance, c´est quoi? Sinon que l´économique ne soit pas amené à s´effacer honteusement devant le politique, que les règles du marché ne fassent pas la courbette devant l´oukase et l´injonction.
Ancien conseiller dans une institution financière internationale, Chakib Khelil n´est pas né de la dernière pluie. Plus de six ans passés à la tête du ministère de l´Energie et des Mines, avec la double casquette de patron de Sonatrach, lui ont permis de situer les enjeux et de voir comment fonctionne le système. On a vu aujourd´hui, que cet homme qui a su, sur de nombreux sujets, tenir tête aux partis politiques, en se cachant derrière un technocratisme de bon aloi, est obligé d´adopter le profil bas et de se soumettre à la conduite dictée par ces mêmes partis, ou ces mêmes syndicats. Et il ne pourra continuer à le faire dorénavant qu´en jouant au funambulisme politique, lui qui a voulu se contenter de bien vendre le pétrole et de faire rentrer l´argent dans la caisse. Désormais, il est engoncé dans un costume qui n´est pas le sien. Comme toujours en Algérie, le politique a pris le dessus sur l´efficacité économique.