FRANÇOIS FILLON AUJOURD’HUI À ALGER
Que nous veut la France?
L’UPM ne fera que plomber les véritables problèmes des pays arabes bordant la Méditerranée.
Le Premier ministre français, François Fillon, arrive aujourd´hui à Alger pour une visite officielle de deux jours. Si, dans la forme, l´objectif fixé par ce déplacement est la négociation des accords civils et militaires avec l´Algérie, dans le fond, il s´agit de remettre, une nouvelle fois, sur la table, le projet de l´Union pour la Méditerranée (UPM). Un projet trop cher aux yeux du président français, Nicolas Sarkozy. Après toutes les démarches effectuées par la France, l´Algérie reste hésitante quant à sa participation au Sommet de l´Union pour la Méditerranée, le 13 juillet à Paris.
En prévision de ce rendez-vous décisif, la diplomatie française ne cesse de se démener comme un diable dans un bénitier, afin de convaincre les pays arabes du pourtour méditerranéen à participer à ce Sommet. Pour ce faire, le staff de M.Sarkozy mène une offensive de charme sans précédent auprès des pays arabes. Une offensive qui couvre d´un écran de fumée la réalité politique de la région. Elle s´exprime, notamment par les initiatives de paix, ou supposées telles, d´Israël avec la Syrie, le Hamas, le Liban, pour créer un climat artificiel de relance d´un processus de paix moribond.
Partant de ce fait, certaines voix n´hésitent pas à parler d´une collusion entre la France et Israël pour amener les pays arabes à s´asseoir autour d´une même table que l´Etat hébreu. Il s´agit, dans ce cas de figure, d´un traquenard politique tendu aux pays arabes pour les mener à s´associer à un projet par lequel ils signeront leur propre arrêt de mort. D´ailleurs, si réellement Israël veut la paix, pourquoi n´accepte-t-il pas le plan de paix du roi Abdallah, proposé en 2002 par le Sommet arabe de Beyrouth?
Ce dernier prévoit la normalisation avec Israël à condition que cet État applique le principe de l´échange de la terre contre la paix, de même que l´application des résolutions des Nations unies, notamment les résolutions 425, 242 et 338 sur le retrait d´Israël des territoires occupés en 1967. Sur un autre plan, notons que l´invitation faite au président syrien, Bachar Al Assad, a soulevé en France une tempête de protestation et ouvert la voie à la polémique, le chef de la diplomatie française allant jusqu´à dire que la «venue» d´Al Assad «ne l´amusait pas».
Or, la logique aurait voulu que c´est la visite en France du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, qui aurait dû provoquer la polémique. D´autant qu´Israël occupe depuis 1967 les territoires palestiniens et tue des innocents, au vu et au su de la communauté internationale. Venir ainsi, et mettre côte à côte la victime et le bourreau, ne peut être qu´une pure et simple complaisance.
Il y a quand même de la raillerie dans cette histoire. L´Algérie n´a, d´ailleurs, de cesse de clamer haut et fort, qu´aucune relation ne peut être tissée avec Israël, tant que la question palestinienne n´aura pas l´issue attendue par le peuple palestinien.
Cette position vient d´être réitérée dans le dernier numéro de la revue El Djeich. «Fidèle donc à ses principes, Alger refuse toute normalisation de ses relations avec Israël tant que la question palestinienne n´est pas définitivement réglée, avec la mise en place d´un Etat palestinien souverain et indépendant et le retour des millions de réfugiés», lit-on dans l´organe central de l´Armée.
S´agissant du Sommet de Paris, la revue El Djeich estime qu´il «peinera à rassembler tous les pays concernés, du fait de l´existence de certaines situations conflictuelles». Il faut souligner, dans ce contexte, que l´Algérie est l´un des rares pays arabes à camper sur des positions de principe, étant donné que la Mauritanie, l´Egypte et la Jordanie entretiennent des relations diplomatiques avec Israël. Tandis que le Maroc, la Tunisie, le Qatar ont, à un niveau ou à un autre, des relations avec l´Etat hébreu.
Au-delà de cette réalité, les observateurs considèrent que le projet de l´Union pour la Méditerranée est un projet mort-né, tant que l´aspect relatif à la libre circulation des personnes entre les deux rives, n´est pas réglé.
La France, qui veut, vaille que vaille, concrétiser ce projet, a expulsé près de 15.000 personnes en situation irrégulière, durant les cinq premiers mois de l´année en cours. Soit une hausse de 80% par rapport à l´année dernière.
Les chiffres communiqués par le ministre français de l´Immigration, Brice Hortefeux, indiquent que sur un an, de juin 2007 à mai 2008, il y a eu 29.729 personnes reconduites à la frontière, soit une augmentation de 31% par rapport à la même période 2006-2007. Le ministre français a aussi mis en avant la hausse du nombre de cartes de séjour pour motifs professionnels, qui représentaient cette année 16% des titres délivrés, contre 7% en 2006.
Il a jugé que l´objectif d´atteindre les 50% en 2012 était réalisable. Au bout du compte, l´UPM, ébauchée par la France et relookée par la chancelière allemande, Angela Merkel, ne fera que plomber les véritables problèmes des pays arabes donnant sur la Méditerranée.