Un air de déjà-vu
De plus en plus nombreux sont les ingrédients qui nous rapprochent d´une «<I>cuisine</I>» pareille à celle de janvier 1992.
La lettre de Ali Benflis, adressée à ses militantes et militants, a été un geste salvateur pour le pays, au risque de lâcher du lest par rapport à ses détracteurs qui ne reconnaissent pas, eux, les intérêts suprêmes de la nation. Militants et cadres du FLN, tout en admettant et saluant le caractère «altruiste» de l´appel lancé par le secrétaire général de leur parti, n´en sont pas moins nombreux à crier qu´ils ne se laisseront pas longtemps marcher sur les pieds. Eux, qui savent mieux que personne, que le congrès, huitième du nom, s´est déroulé dans des conditions de légalité et de légitimité extrêmes. Les photos et les bandes vidéo existent, qui montrant les plus virulents détracteurs de Benflis en train de l´applaudir et de voter l´ensemble des résolutions et décisions prises lors de ces assises. La mauvaise foi de la plupart des concepteurs et dirigeants du clan anti-Benflis est telle qu´ils ont, maintes fois, donné la preuve qu´ils n´étaient pas prêts à faire marche arrière, même quand la sécurité nationale ou l´ordre public était sérieusement menacé. Les affrontements, qui ont eu lieu à Alger, à quelques mètres du siège de Yazid Zerhouni, puis à Oran, ont été un avant-goût de ce qui risque de se produire jeudi prochain. Mais la sagesse de Benflis, que lui reconnaissent même ses adversaires, ne peut pas demeurer éternelle. Les risques de débordements, dus aux provocations des dirigeants des anti-Benflis, peuvent éclater un peu partout, et de se propager telle une traînée de poudre jusqu´à devenir des affrontements enregistrés aux quatre coins du pays.
Il ne faut pas oublier, indiquent les observateurs avertis, que nous parlons du premier parti du pays, qui dispose de pas moins de 1700 kasmas, avec des centaines de milliers de militants. Un climat «insurrectionnel», généré par d´autres raisons il est vrai, proche de celui qui avait précédé l´interruption des législatives de janvier 1992, n´est donc pas à écarter. Beaucoup d´indices, qui ne trompent pas, se mettent un à un en place. Il ne faut pas oublier que les tentatives de prendre d´assaut les sièges de ce parti n´ont jamais été totalement abandonnées et que la mouhafada de Mascara est toujours illégalement spoliée par des gens étrangers au parti. Le recours à la force et aux diverses provocations a toujours été une devise chez les dirigeants et membres du parti dit de l´administration. La tension est à son paroxysme. Une étincelle, une seule, risque de mettre le feu aux poudres. Le FLN, loin d´être dupe, n´ignorant pas que les choses sérieuses ne font que commencer, étudierait même la possibilité de rappeler ses ministres dès la fin de ce mois afin de prendre de vitesse le Président Bouteflika qui projetterait, pour sa part, d´opérer un remaniement ministériel dès la prochaine rentrée sociale.
L´expérience de l´institution militaire dans ce domaine ne pouvait pas la tromper. Son intervention, si elle venait à se confirmer, ne viserait rien moins qu´à remettre les pendules à l´heure et à rechercher la voie de la légalité et des débats politiques sereins, responsables et démocratiques. Le peuple, qui a longtemps souffert des climats d´instabilité institutionnelle et d´insécurité ambiante, ne voudra sans doute pas vivre d´autres périodes de troubles, quand bien même ces dernières seraient circonscrites dans l´espace et dans le temps.