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Il y'a 39 ans disparaissait Mohamed Seddik Benyahia

Un diplomate au talent inestimable

C'est avec un idéal grandiose que l'on ne craint jamais la mort.

Chaque année, pour la célébration de la journée de l'étudiant, l'université de Jijel organise un séminaire international sur l'itinéraire de Mohamed Seddik Benyahia. La vie du militant du mouvement national et de l'homme d'État est ainsi racontée, en présence de ses proches. Il faut dire que, malgré une modestie et une discrétion rares, il a marqué de son empreinte tous les départements qui lui ont échu, l'Information et la Culture, l'Enseignement supérieur et la Recherche scientifique, les Finances et, surtout, les Affaires étrangères. Né à Jijel un 30 janvier 1932, diplômé de la faculté d'Alger où ses amis le surnommaient «Toto», Mohamed Seddik Benyahia aura eu un parcours exceptionnel de militant et de responsable de premier plan, durant la Révolution algérienne. Il a participé à la création de l'Ugema, avec Ahmed Taleb El Ibrahimi et Messaoud Ait-Chaalal, entre autres, il a été membre de la délégation du FLN à la Conférence afro-asiatique de Bandung, en avril 1955, il a siégé parmi les 17 membres suppléants du Conseil national de la révolution algérienne (Cnra) issu du Congrès de la Soummam, un 20 août 1956. Le 7 avril 1959, il était dans la délégation du Gouvernement provisoire de la république algérienne (Gpra) en Inde, aux côtés du président Ferhat Abbas et de Benyoucef Benkhedda. Directeur du cabinet de Ferhat Abbas et de Krim Belkacem, il a participé, avec Ahmed Boumendjel et Benamer Hakiki, aux premiers entretiens de Melun entre le GPRA et le gouvernement français, du 25 au 29 juin 1960, avant de prendre part aux négociations des accords d'Evian signés en 1962. Ambassadeur à Moscou puis à Londres, au lendemain de l'indépendance, il sera rappelé par le président Houari Boumediene pour occuper différents postes de ministre, tout en contribuant de manière décisive à la réconciliation entre l'Iran et l'Irak, représentés par le Shah Pahlavi et Saddam Hussein. Plus encore, celui qui fut le rédacteur de la Charte de Tripoli en 1962, puis de la Charte nationale en 1976, aura déployé la bannière de l'inoubliable festival Panafricain, posé le jalon des futures universités algériennes quand le pays n'en comptait que trois, formé de nombreux jeunes diplomates qu'il faisait participer aux audiences marquantes des ministres et ambassadeurs étrangers. En effet, sous la présidence de Chadli Bendjedid, il hérita du ministère des Affaires étrangères où son savoir-faire et sa force de persuasion ont fait des merveilles, notamment dans l'affaire des 52 otages américains à Téhéran, libérés après 444 jours de détention. Avec Christopher Ross comme interlocuteur américain et futur secrétaire d'Etat, Benyahia et l'équipe de diplomates, parmi lesquels l'ambassadeur en Iran Abdelkrim Gheraïeb, ont travaillé durement pour obtenir leur libération, les Iraniens ayant fini par leur dire: «ils sont à vous. Nous ferons ce que vous déciderez». Ross avouera, plus tard, à un grand diplomate algérien: «Benyahia compte parmi mes héros». Le 20 janvier 1981, les 52 otages américains posaient le pied à Alger, au moment même où le nouveau président des Etats-Unis, Ronald Reagan, finissait son discours d'investiture. Quant au président sortant, Jimmy Carter, il adressa un message émouvant de remerciements et de gratitude à l'Algérie et à sa diplomatie persévérante. J'ai connu personnellement Mohamed Seddik Benyahia, lors de ses visites de travail et d'inspection en qualité de ministre de l'Enseignement supérieur, que je suivais en tant que chargé, entre autres, de ce dossier à El Moudjahid, notamment celles qui nous emmenaient, maintes fois, à Constantine, à bord d'un «coucou» de la STA (Société du travail aérien), pour tenter de dénouer la situation complexe du rectorat dirigé, à l'époque, par Amor Bendali. Je ne l'oublierai jamais, car c'est en l'approchant qu'on découvrait la valeur profondément humaniste et engagée de cet homme. Et c'est avec lui qu'on mesurait le sens et l'importance du message des bâtisseurs du 1er Novembre, quand ils affirmaient que c'est avec un idéal grandiose que l'on ne craint jamais la mort. Le destin avait inscrit celle de Mohamed Seddik Benyahia, engagé dans une nouvelle mission de bons offices, entre l'Iran et l'Irak plongés dans une guerre atroce.
Fin 1981, il avait déjà échappé miraculeusement à un crash d'avion, au Mali, mais le sort n'avait pas dit son dernier mot. Le 3 mai 1982, au-dessus de la frontière irako-iranienne, l'avion de Benyahia et de la délégation qu'il conduisait était abattu par un missile «non identifié». Lors du Vème Congrès du FLN, le 19 décembre 1983, nous avons su qui était véritablement responsable de cette infâmie.
Terre de brillants diplomates et de fervents missionnaires de la paix et de l'amitié entre les peuples, l'Algérie peut s'enorgueillir d'avoir été représentée par un tel homme qui a porté sa voix dans tous les continents, pour y exprimer sa croyance profonde et sincère dans l'avènement d'un monde meilleur, d'un monde plus juste, plus égalitaire, d'un monde plus humain, en somme.
Ainsi était Mohamed Seddik Benyahia, un homme modeste et brillant, tout à la fois, un diplomate au talent inestimable, un militant indéfectible des causes justes, à tel point que le président Chadli avait assuré, au lendemain de sa mort: « Si j'avais 6 personnes comme Benyahia, j'aurai fait de l'Algérie une force régionale». 

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