CELA S’EST PASSÉ DURANT LA CAMPAGNE ÉLECTORALE
Vêtements et couleurs parlent politique
Désormais, le look prend la dimension d’un message politique.
Le printemps retrouve des couleurs. Vêtue d´une robe kabyle, Louisa Hanoune s´est rendue à Tizi Ouzou pour animer l´ultime meeting de sa campagne. Ainsi, la secrétaire générale du PT a renoué avec la culture vraie, celle du peuple. «Venez mes amis. Quittez la prose du bas monde. Venez apprécier la poésie des hauteurs pour voir votre peuple sans mensonge ni paradoxe», l´invitation est de Mouloud Mammeri. La seule femme candidate au scrutin prochain a tenu à l´honorer. Ce faisant, la candidate a renoué le fil avec l´histoire. D´un pas humble et déterminé, Louisa Hanoune a repris «les chemins qui montent» vers les cimes des montagnes. Ces points culminants d´où l´on aperçoit l´autre côté des choses.
Le noir a été rendu aux «loups qui habitent la nuit» et qui rêvent de frapper «l´unité nationale» dans le coeur battant de la nation algérienne. «La parole au peuple» a encore fulminé Mme Hanoune. Seulement, la «parole» a pris le «s» de la diversité cette fois-ci. Rendre la parole au peuple, c´est aussi lui permettre de s´exprimer dans la langue qui a façonné ses rêves à travers les siècles. Cet «élément de libération» dont les différentes Constitutions élaborées n´ont pu tirer l´expression officielle. L´aveu est terrible, surtout quand il prend la forme du vide constitutionnel. Face à cette situation, Louisa Hanoune promet de réparer «l´injustice politique» liée à l´officialisation de la langue amazighe. Pour libérer cette langue du «piège identitaire», la candidate s´est engagée à «généraliser» son enseignement.
La référence à l´identité a été perceptible, également, dans la tenue vestimentaire arborée par le président candidat. Se rendant en Kabylie, Abdelaziz Bouteflika a reçu un burnous des mains de Ali Feraoun, fils de l´écrivain algérien Mouloud Feraoun. Affichant une volonté politique de se réconcilier avec la Kabylie par l´urne, Bouteflika a mis le burnous de laânaya, la protection, surtout que l´enjeu se rapporte au rééquilibrage des forces pour «le maintien des grands équilibres de la nation».
Djahid Younsi a lui aussi mis la gandoura. Le secrétaire général d´El Islah a voulu ainsi abreuver l´imaginaire populaire de la mémoire commune. Se disant porteur d´un «projet qui consacre les constances nationales», Djahid Younsi a porté le vêtement traditionnel pour rendre visible l´ancrage profond de l´Islam dans la société algérienne. Jouant sur la fibre religieuse, Djahid Younsi veut surfer sur l´électorat islamiste pour brasser le maximum de voix possible.
D´un candidat à l´autre, le message a varié selon la tenue vestimentaire et la couleur préférée. Chez Mohamed Saïd, «le changement» a pris une écharpe orange. Ainsi, l´ancien ambassadeur s´est présenté en annonciateur du crépuscule de «la continuité». Vous l´aurez compris, le message renvoie à «la révolution orange» en Ukraine. Tout au long de sa campagne, le fondateur du PLJ a préconisé une révision radicale du système politique. Par le ton adopté et la couleur choisie, Mohamed Saïd s´est attelé à positionner le Parti liberté et justice sur l´échiquier politique national. En d´autres termes, l´ex-porte-parole de Wafa compte récupérer la base du parti du Dr Ahmed Taleb El Ibrahimi pour peser dans les échéances à venir.
Le ton révolutionnaire est également repris par Moussa Touati. Vêtu d´un complet flambant neuf, le président du FNA a prêché «la révolution par l´urne» dans les différentes régions du pays qu´il a visitées. Se mettant dans la peau d´un rénovateur, Moussa Touati a plaidé pour «la passation de pouvoir entre la génération de novembre et celle post-indépendance».
La même recommandation a été faite par Ali Fawzi Rebaïne. Le fils du martyr Abderahmane et de la femme révolutionnaire Fettouma Ouzegane, a grandi dans un foyer imprégné d´amour de la liberté. Cela explique, en partie, son attachement au gilet qu´il a porté, durant la campagne électorale, à la manière d´un «jazzman». Jouant sur le mode du changement, le président de AHD 54 a proposé «la décentralisation des pouvoirs». Ainsi, les couleurs et les tenues vestimentaires ont été adaptées aux discours politiques des candidats. Le tout accommodé aux leitmotivs du «changement» et de «la continuité».