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Jules Verne avait-il raison ?

Des océans dans le ventre de la terre

Un géochimiste canadien et son équipe ont découvert une forme polymorphe de l’olivine qui n’était connue que dans les météorites.

A peine croyable : le monde imaginé par Jules Vernes dans « Voyage au Centre de la Terre » pourrait bien exister, du moins en partie. En effet, plusieurs équipes de scientifiques ont une très forte certitude que de vastes réservoirs d’eau existent dans le manteau terrestre. Et ce volume d’eau serait gigantesque : plus important encore que l’ensemble de nos océans en surface ! Fantasme ou réalité ? Si l’eau est indispensable à la vie sur notre planète et qu’elle en recouvre 72% de la surface, elle joue également un rôle fondamental dans de nombreux processus géologiques. En effet, sa présence, même infime, dans les minéraux contribue à leur équilibre et leur stabilité. En outre, l’eau influence fortement la convection mantellique, la tectonique des plaques et même les catastrophes naturelles comme les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. Notre planète est composée de couches concentriques dont les épaisseurs et les caractéristiques diffèrent fortement. Sous les premiers kilomètres constitués par la lithosphère, se trouve le manteau qui sert de support pour les plaques continentales et océaniques. Or, un témoin minéral de cette zone, inaccessible à l’homme, a atteint la surface avec de précieuses informations.
La principale famille de minéraux présente dans le manteau terrestre (situé entre 100 à 2 900 km de profondeur) est celle des silicates représenté notamment par l’olivine. Lorsque la profondeur, et donc les conditions de température et de pression augmentent, l’olivine subit des modifications. Ainsi, entre 410 et 520 km de profondeur, elle devient wadsleyite. Puis entre 520 et 660 km, à la limite entre le manteau supérieur et inférieur, un minéral qui contient des molécules d’eau : la ringwoodite (jusqu’à 2,5 % de son poids).
Le géochimiste canadien Graham Pearson (Université de l’Alberta à Edmonton, Canada) et son équipe ont découvert, pour la première fois sur Terre, cette forme polymorphe de l’olivine qui n’était connue que dans les météorites. «Jusqu’à aujourd’hui, personne n’avait jamais vu de la ringwoodite du manteau terrestre, même si les géologues étaient persuadés de son existence», souligne Hans Keppler, un géologue de l’université de Bayreuth (Allemagne), dans un éditorial également publié par la revue Nature. C’est une toute petite ringwoodite de seulement 3 mm qui a été découverte presque par hasard, en 2009, alors que les chercheurs examinaient un diamant brun en provenance du Mato Grosso au Brésil. Après plusieurs années d’analyses, l’échantillon a été officiellement identifié comme étant de la ringwoodite formée à 500 km de profondeur où une grande masse d’eau pourrait s’accumuler du fait de la subduction et du recyclage de la lithosphère océanique dans la zone de transition. Le diamant serait ensuite parvenu jusqu’à la surface de la Terre grâce aux remontées de magma lors d’une éruption volcanique, zone transition manteau Terre, Schéma de la coupe de la Terre illustrant l’emplacement de la ringwoodite, qui compose environ 60 % de cette partie de la zone de transition. Le diamant contenant l’inclusion de ringwoodite hydratée trouvé par by Pearson et al. (Nature, 2014) a été originé environ 500 km sous la surface de la Terre. Pour les chercheurs à l’origine de cette analyse, cette ringwoodite, qui contient 1,5% d’eau, «fournit une confirmation extrêmement forte de la présence de points d’eau à cet endroit dans les profondeurs de la Terre», souligne Graham Pearson. Il ajoute «cette zone particulière de la Terre, la zone de transition, pourrait abriter autant d’eau que tous les océans mis ensemble».
En effet, si la ringwoodite, qui comprend des molécules d’eau, est très répandue dans la zone de transition, cela signifie que cette région du manteau terrestre pourrait regorger d’eau, suffisamment pour rivaliser avec le volume de nos océans en surface. Les scientifiques parlent même d’un volume d’eau trois fois supérieur ! Cette découverte vient d’être étayée par une étude menée à l’université de Northwestern (Illinois - Etats-Unis) : «La capacité de stockage de l’eau riche en minéraux dans le manteau de la zone de transition de la Terre (entre 410 et 660 km de profondeur) implique la possibilité d’un profond réservoir d’eau prisonnier de certaines roches rares», expliquent les chercheurs.

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