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Pierre Conesa, expert des questions sécuritaires, à L’Expression

«Israël pratique un terrorisme d’État»

L’unanimisme qui caractérise la scène politico-médiatique européenne, notamment française, ne reflète pas du tout la réalité des opinions en Occident. La mainmise du sionisme international sur les médias et la classe politique européenne agit comme un écran de fumée, empêchant une expression différente de celle que développe la doxa dominante dans cette partie du monde. Israël ne se défend pas, mais commet des crimes de guerre à Ghaza. Aucune circonstance ou un quelconque autre méfait subi par les Palestiniens ne sauraient masquer la vérité qui saute aux yeux. Pierre Conesa, qui a répondu positivement à notre demande d’entretien, évoque des épisodes de harcèlement de Palestiniens par des États arabes. Des faits historiques qu’on ne peut nier, mais dans le même temps d’autres États arabes, à l’image de l’Algérie, ont apporté un soutien sans faille à la cause palestinienne. Cela aussi est un fait de l’histoire d’un peuple qui vit, ces trois derniers mois, une entreprise d’extermination systématique de la part de l’entité sioniste, aidée dans sa basse manœuvre par un Occident borgne qui ne veut voir que ce qu’il veut. Pierre Conesa apporte dans cet entretien des éclairages nécessaires et dévoile la machinerie occidentalo-sioniste. Il éclaire aussi la vision, sans concession, d’un intellectuel occidental qui souffre d’une sous-visibilité médiatique en raison de ses positions courageuses sur l’agression qui a cours en Palestine. On retiendra, néanmoins, quelques raccourcis sur certaines intentions américaines décrites comme plus humaines que celles de pays arabes. Notons que Pierre Conesa a été membre du Comité de réflexion stratégique du ministère français de la Défense. Ancien haut fonctionnaire à l’Élysée, il est l’auteur d’œuvres remarquables, notamment La fabrication de l’ennemi, Vendre la guerre et Le complexe militaro-intellectuel. Dans cette interview, Pierre Conesa emboîte le pas à Alain Gresh qui a déclaré : « Si le Hamas est une organisation terroriste, alors Israël est un État terroriste. » Le décor est placé. Interview…

L'Expression: Suite à l'attaque du Hamas, le 7 octobre dernier, Israël n'est-il pas devenu le bourreau des Palestiniens, après avoir revendiqué le statut de victime?
Pierre Conesa: Il faut rappeler que les malheureux Palestiniens ont été massacrés à peu près par tout le monde: lors du septembre noir en septembre 70 provoqué par la dynastie jordanienne, les estimations varient de 3500 morts (chiffres jordaniens) et 10 000 (chiffres palestiniens) et près de 10 000 blessés; l'extermination des camps de Sabra et Chatila après différents combats plus ou moins meurtriers comme celui de la Quarantine, au Liban fut le fait des Phalangistes... Quant aux pays du Golfe qui ont l'argent et l'espace, ils ont soigneusement refusé d'accueillir des Palestiniens.
Petit rappel historique: après les accords de paix entre Israël et l'Égypte, des centaines d'étudiants palestiniens sont expulsés des universités égyptiennes, de 1991 à 2012, la population palestinienne du Koweït passe de 400 000 à 80 000 personnes.
En 1995, le général Kadhafi expulse 30 000 Palestiniens, confisque leurs maisons, et les fait renvoyer de leurs emplois, incite les autres pays arabes à faire de même. En 1995; au Liban, une loi interdit aux Palestiniens d'immigrer. En 2005, après la chute de Saddam, des Palestiniens d'Irak sont pris en otage et torturés par des groupes armés et environ 15 000 sont expulsés. En 2009, Amnesty critique le sort «déplorable» des Palestiniens bloqués à la frontière irako- syrienne.
En 2007, l'armée libanaise détruit le camp Nahr el Bared et expulse les 31 000 résidents palestiniens. Tous ces chiffres pour dire que personne ne veut des Palestiniens et souhaiterait que le problème soit géré par Israël.
La communauté internationale aussi et son silence sur les massacres à Ghaza, véritable ghetto à ciel ouvert et la recolonisation de la Cisjordanie par des colons religieux juifs protégés par Tsahal (armée sioniste) est une ignominie, analogue à ce qu'ont fait les Russes en Tchétchénie.
Mais on constate que tous les massacres ne sont pas traités de la même manière.

Israël fait fi du droit international et du droit des Palestiniens à la vie, dans un contexte de grande vassalité de l'Occident à son égard. Qu'en pensez-vous?
C'est tout à fait exact, mais le droit international n'existe pas pour les puissants.
Regardez les postures de vierge effarouchée des intellectuels qui veulent faire passer Poutine devant la CPI, pour l'invasion de l'Ukraine, et quand on demande où en est le procès contre GW Bush responsable de 10 000 morts dans l'invasion de l'Irak justifiée par un mensonge de Colin Powell à la tribune de l'ONU...on détourne le regard. Même son discours sur l'État de l'Union de janvier 2002 dans lequel il annonce sa «guerre globale contre le terrorisme», il désigne l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord, alors qu'il n'y avait ni Iranien, ni Irakien, ni Nord-Coréen dans les avions, mais par contre
15 Saoudiens sur 19 kamikazes.
Cela dit, les USA ont accueilli plus de réfugiés palestiniens enregistrés par l'Unrwa entre 150 000 et 200 000 personnes d'origine palestinienne aux États-Unis contre 50 000 à 80 000 en Égypte (estimations en 2000).

Toutes les organisations onusiennes des droits de l'homme, de la santé, la Croix- Rouge, la rue arabe et occidentale dénoncent l'entreprise génocidaire du gouvernement israélien. Comment expliquez-vous le soutien qu'apportent les puissances occidentales, à leur tête les USA, à Israël pour son entreprise criminelle?
Pour les chiffres, je resterai prudent car personne ne sait combien il y a de cadavres, sous les décombres, mais cela ne change pas que la répression israélienne aura fait énormément de victimes à Ghaza. Je ne connais pas de bombe lancée d'avion qui fasse la différence entre un combattant, une femme ou en enfant. C'est donc bien un massacre. Je suis plus critique sur la médiatisation des échanges «otages contre prisonniers». Israël a posé comme condition que les prisonniers palestiniens libérés (dans la proportion de 4 prisonniers contre 1 otage), n'aient pas de sang sur les mains: très bien! Mais alors qu'avaient-ils donc fait: lancer des pierres sur les soldats, faits du trafic...? Le chiffre de 4 000 prisonniers palestiniens en détention en Israël sans procès ni jugement est-il exact? Cela les rapproche de la condition juridique des otages.

Après l'attaque terroriste en Iran revendiquée par Daesh et l'attaque du bureau du Hamas au Liban, d'aucuns estiment que les États-Unis, Israël et Daesh mènent le même combat! Comment voyez-vous l'issue de cette guerre?
Je suis depuis quelques années convaincu que la guerre sunnites-chiites est la véritable dynamique de guerre dans le monde musulman: au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Liban, à Bahreïn, au Nigeria, en Iran... Les attentats islamistes tuent 90% de musulmans: l'attentat récent en Iran revendiqué par Daesh n'en est qu'une illustration qui n'a pas lieu d'étonner à mon sens. La rivalité entre sunnites et chiites dans la dénonciation du massacre de Ghaza montre que le sort des Palestiniens n'est que secondaire dans le cadre de cette rivalité. Conclure que Daesh et Israël mènent le même combat est circonstanciel, pas structurel.
Ne sommes-nous pas en train d'assister à un sabordage de la solution de deux États par les puissances occidentales, même si les pays arabes, la Russie et la Chine soutiennent encore cete solution?
Bien sûr! Les divers ministres israéliens qui parlent d'utiliser la bombe, les colons qui parlent de revenir à Ghaza, ceux qui réoccupent la Cisjordanie protégés par l'armée israélienne, et Netanyahou qui annonce que la guerre ira jusqu'au bout (?) sont tous des radicaux religieux comme le Hamas...
Il faut rappeler que Ghaza (30 000 km2 où vivent plus de 2 millions d'habitants) a la dimension du territoire de Belfort (50 000 personnes) et quand Israël annonce avoir mené plus de 800 raids aériens sur Ghaza en 48h, il faut se demander qu'est-ce qui resterait debout à Belfort après cette quantité de bombardements. Ghaza vit depuis des années sur perfusion humanitaire internationale et Israël refuse le cessez- le- feu humanitaire.

«Si le Hamas est une organisation terroriste, alors Israël est un État terroriste», écrit dans une tribune Alain Gresh, un des spécialistes de la question palestinienne et ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique. Quel commentaire faites-vous?
Alain Gresh a parfaitement raison de mettre les mêmes mots sur les mêmes comportements et les mêmes faits.

Indirectement, Israël et son allié américain ne sont-ils pas en train de pousser l'Iran et son axe de résistance à rentrer dans une guerre frontale?
Si, c'est le cas, c'est un grand risque que toutes les opinions occidentales ont perçu.
Pour la première fois, Israël ne jouit pas d'un soutien total et indéfectible: les manifestations critiques ont été nombreuses, en particulier dans les universités américaines, chez des intellectuels français...etc. et l'accusation sempiternelle «d'antisémitisme» pour disqualifier toute critique ne marche plus.

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