GUINÉE-BISSAU
La présence d’une force étrangère décriée
Cette force, ou «mission» comme préfère l’appeler le gouvernement, a été réclaméepar la Cédéao, la Cplp et l’Union africaine (UA), qui en constitueront le corps.
La possible venue d´une force étrangère en Guinée-Bissau, voulue par le gouvernement pour aider à stabiliser un pays régulièrement en proie à des violences, provoquées le plus souvent par des militaires, divise l´armée, et l´opposition n´en voit pas «l´utilité». Cette force, ou «mission» comme préfère l´appeler le gouvernement, a été réclamée par la Communauté économique des Etats de l´Afrique de l´ouest (Cédéao), la Communauté des pays de langue portugaise (Cplp) et l´Union africaine (UA), qui en constitueront le corps. «La Guinée-Bissau n´est pas un îlot. Nous en avons assez des soubresauts quasi permanents. Si la venue de cette mission doit nous aider à stabiliser le pays, elle serait la bienvenue», a déclaré le président bissau-guinéen, Malam Bacaï Sanha, élu en juillet 2009 pour un mandat de cinq ans. Une mission de la Cplp, composée d´officiels cap-verdiens, angolais et brésiliens, était attendue hier à Bissau pour discuter du déploiement de cette force. Coups d´Etat, mutineries au sein de l´armée, assassinats politiques: depuis son indépendance du Portugal en 1974, la Guinée-Bissau n´a jamais trouvé la stabilité. Cette situation a facilité les activités des trafiquants de drogue qui en ont fait une plaque tournante en Afrique de l´Ouest. Le renversement en avril du chef des armées, José Zamora Induta par son adjoint, le général Antonio Indjai, est un des derniers épisodes d´une longue série d´incidents ayant impliqué des militaires. En mars 2009, le président Joao Bernardo Vieira est tué par des soldats, quelques heures après l´assassinat du chef d´Etat-major de l´armée, le général Batista Tagmé Na Waï, dans un attentat à la bombe. Aucun des trois présidents élus entre 1994 et 2009 en Guinée-Bissau n´a terminé son mandat, ayant été soit renversés par l´armée (Vieira en 1998 et Kumba Yala en 2003), soit tué par des militaires (Vieira). La hiérarchie militaire a accepté sous conditions le principe de la venue d´une force étrangère. Mais «beaucoup d´officiers» la voient en réalité «comme un moyen de traquer les auteurs présumés de l´assassinat du président Vieira et les complices des narcotrafiquants», dont beaucoup se retrouvent au sein de l´armée, affirme un officier sous couvert de l´anonymat. «C´est pour cela qu´il n´y a pas eu de consensus dans les hautes sphères de l´armée sur cette question», ajoute l´officier. Quant au principal parti d´opposition, le Parti de la rénovation sociale (PRS), il n´en veut pas. «Nous allons nous opposer à la venue de cette force d´interposition. Nous ne voyons pas son utilité car toutes les institutions marchent normalement et la sécurité de l´Etat n´est pas menacée», affirme Braima Sori Djalo, un des responsable du PRS. Ni le nombre de membres qui composeront la force, ni le lieu où elle établira son quartier général, n´ont encore été déterminés. Quant à ses objectifs, ils sont à la fois précis et ambitieux: elle sera avant tout «dissuasive», devra «garantir la sécurité des autorités (civiles), enrayer les soubresauts politico-militaires, décourager les coups d´Etat et appuyer les réformes au sein de l´armée et des forces de sécurité», lutter contre le narco-trafic, selon une source proche de la représentation de la CPLP à Bissau. Les réformes au sein d´une armée aux effectifs pléthoriques sous-payés, visent à lui redonner une dimension proportionnelle à la taille et à la population de ce petit pays de 1,5 million d´habitants: le ratio y est de 4 à 5 soldats pour mille habitants contre une moyenne de 1,2 pour mille dans les autres pays de la Cédéao.