VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES AU NIGERIA
Les combats se poursuivent à Jos
Selon un bilan établi mardi soir de plusieurs sources, 288 morts ont été dénombrés depuis dimanche.
Les violences meurtrières entre chrétiens et musulmans, qui ont fait près de 300 tués depuis trois jours, continuaient hier à Jos et dans sa périphérie (centre du Nigeria), où les militaires ont renforcé leur présence. «Les attaques se poursuivent dans les quartiers sud de la ville à Kuru Karama, Bisiji, Sabongidan et Kanar», a déclaré hier un habitant qui a fui le centre-ville de Jos, capitale de l´Etat du Plateau. «Le quartier d´où je viens a été saccagé. Tous les habitants qui ont eu la chance de pouvoir le faire sont partis, mais beaucoup, beaucoup ont été tués», a-t-il ajouté. Un habitant du quartier Anguwarogo, dans le nord de Jos, a indiqué que davantage de soldats étaient déployés dans les rues. «C´est calme depuis la nuit dernière, de mon balcon je peux voir davantage de soldats patrouiller qu´hier, il y a eu des renforts», a expliqué ce témoin joint par téléphone par l´AFP. Les combats ont éclaté en raison de la construction d´une mosquée dans Nassarawa Gwon, un quartier chrétien de Jos, ville située entre le nord musulman et le sud chrétien et animiste, et forte d´un demi-million d´habitants. Selon un bilan établi mardi soir de plusieurs sources, 288 morts ont été dénombrés depuis dimanche. 192 cadavres ont été apportés dans la mosquée centrale, selon son imam, Balarabe Dawud. Lundi, il avait déjà annoncé 26 morts. Le chef religieux a également fait état d´au moins 800 blessés, dont 90 graves évacués sur des hôpitaux militaires. Il n´y a pas eu de confirmation officielle de ces bilans. La ville est soumise à un couvre-feu nuit et jour décrété mardi par le gouvernement du Plateau. Mais cela n´empêche pas les affrontements, selon des résidents. La situation inquiète les autorités d´Abuja, déterminées à en finir avec ces nouvelles violences intercommunautaires «inacceptables». «C´est une crise de trop et le gouvernement fédéral estime qu´elle est totalement inacceptable, réactionnaire et susceptible de menacer davantage l´unité de notre pays», a déclaré le vice-président fédéral, Goodluck Jonathan, dans un communiqué mardi soir. Abuja «est déterminé à trouver une solution permanente à la crise» à Jos, a souligné M.Jonathan, qui remplace le président Umaru Yar´adua soigné en Arabie Saoudite depuis fin novembre. Davantage de soldats ont été dépêchés à Jos, «en concertation avec la Police» et les chefs de la sécurité, avait annoncé mardi le conseiller national à la sécurité, Sarki Mukthar. Cependant, de crainte d´une répression aveugle, l´organisation de défense des droits de l´homme Human Rights Watch (HRW) a demandé hier aux forces nigérianes de faire preuve de modération et a dénoncé «l´impunité qui encourage ce cycle de violences». «Le Nigeria doit s´assurer que les forces assurant la sécurité usent de modération et observent les règles internationales en matière d´usage de la force», a déclaré HRW dans un communiqué à Lagos. HRW estime que plus de 13.500 personnes ont été tuées dans des violences entre communautés depuis la fin du régime militaire en 1999 au Nigeria, mais que beaucoup de coupables sont restés impunis. «Ce n´est pas la première éruption de violence meurtrière à Jos, il est choquant que le gouvernement n´ait toujours pas puni les responsables», déclare Corinne Dufka, chercheuse à HRW. Le Nigeria, pays le plus peuplé d´Afrique avec 150 millions d´habitants, est régulièrement secoué par des violences entre chrétiens et musulmans. En novembre 2008, des centaines de personnes ont péri en deux jours dans des affrontements similaires dans cette ville. La secte islamiste Boko Haram a mené en juillet dernier un soulèvement dans l´Etat de Borno et les combats lors de l´intervention des forces de sécurité ont fait au moins 800 tués.