BISKRA
Une reine déchue
La cité a subi ces dernières années des mutations qui n’augurent point des jours meilleurs.
Biskra, ville d´histoire, a vécu de grands changements allant de l´époque romaine en passant par celle médiévale, ottomane et coloniale. Aujourd´hui, la cité, plus connue sous le nom fort élogieux de la reine des Ziban, a subi des mutations qui n´augurent point des jours meilleurs. De ce fait, la Reine des Ziban devrait s´appeler «Vescenegra» en référence à son romain, Vescera, et négra, se rapportant aux quartiers ghettos. Les successives volontés politiques de desserrement des quartiers centraux par des projets urbanistiques (habitat, infrastructures de base, assainissement...), n´ont pu assuré à la ville une transformation adéquate de son espace urbain mais a vu se modifier, aussi bien sa configuration spatiale, que sa structure sociale et la redistribution démographique.
En effet, la tragédie nationale, particulièrement dans les régions du Nord et Nord-Est, a été à l´origine d´un exode sans pareil, d´où un changement radical tant au niveau du comportement individuel que de la configuration socio-économique.
La ville a connu également un boom foncier sans précédent. La spéculation, battant son plein, a crée, par là même, des bidonvilles au niveau de ces dites périphéries. D´abord quelques dizaines de tentes, ensuite des centaines de baraques, puis une véritable colonie s´est créée, heurtant l´intimité des tranquilles résidants et posant en même temps un problème de société, d´hygiène, de santé publique et de sécurité. Devant une situation pareille les autorités avaient tenté de prendre les mesures nécessaires. Mais c´était sans compter sur la rapidité avec laquelle le problème avait pris des proportions. Certains taudis ressemblent étrangement aux favelas de Rio de Janeiro, d´autres aux ghettos de Soweto en Afrique du Sud avec tout ce que cela entraîne comme déstructuration sociale: prostitution, drogue, agressions, vols, viols et un taux de criminalité sans cesse croissant. Recensés, il a moins d´une année, au nombre de six cent «locataires», les deux-tiers de ces personnes ont été relogées ailleurs. Chassez le naturel, il revient au galop. Ces «locataires» sont revenus à leur premier amour. Le plan architectural initial a été totalement dénaturé, les occupants ont procédé à des extensions faisant fi de toutes les règles de sécurité, utilisant des matériaux hybrides associés à des tôles retenues par des fils électriques qui, lors des tempêtes de sable, sont littéralement arrachés causant des dégâts considérables.
Entre les lots d´habitations, des enclos ont été édifiés, abritant moutons, chèvres, vaches et autres dindes et poulets alimentés par des restes récupérés au niveau des détritus des marchés hebdomadaires. Certaines demeures, si elles n´ont pas été indûment louées, ont été vendues ou revendues pour être transformées en haras où chevaux et vaches cohabitent.
D´autres bénéficiaires beaucoup plus audacieux ont affiché des plaques avec l´inscription «Maison à vendre». Et en prime, le numéro de téléphone pour prendre attache. Plus loin, autre surprise. Surplombant une colline, une autre apparition se présente aux yeux!...C´est presque du copié-collé. Tous les quartiers détruits en contrebas ont été repris avec la même forme. Les odeurs nauséabondes, les égouts à ciel ouvert, les nuées de mouches et moustiques animent le décor. Ironie du sort, la plupart des résidants de ces quartiers sont des maquignons, issus des wilayas limitrophes. Entre-temps, les services de la commune se croisent les bras au lieu de freiner et d´éradiquer ce fléau au point qu´un nouveau bidonville, adjacent aux structures éducatives, vient de naître sur la route de l´ancien site de Hammam Salihine. Or, c´est dans ces mêmes quartiers qu´un enfant a été sauvagement calciné à l´intérieur d´un pneumatique. L´enquête étant toujours en cours.
De ce fait, un contrôle permanent et rigoureux devrait être instauré au même titre qu´un recensement exhaustif de ces nomades du troisième millénaire.